Journée de lutte contre le cancer – le Pr Huchon répond à nos questions !

Journée de lutte contre le cancer – le Pr Huchon répond à nos questions !

Journée de lutte contre le cancer – le Pr Huchon répond à nos questions !

 

Pouvez-vous vous présenter ?

 

Je suis le Professeur Cyrille Huchon, chirurgien gynécologue spécialisé en cancérologie.

J’exerce sur les sites des hôpitaux de Lariboisière et Saint-Louis, où je prends en charge chirurgicalement les cancers du pelvis et du sein.

J’ai participé à de nombreuses recommandations nationales pour la prise en charge clinique, notamment du cancer de l’ovaire sous l’égide de l’INCA, du cancer de la vulve, du cancer du col utérin et du cancer de l’endomètre.

Depuis 2023, je suis directeur du DMU Gynécologie Périnatalité Paris Nord et Président de la Société de Chirurgie Gynécologique et Pelvienne.

 

Pouvez-vous nous parler brièvement des types de cancers gynécologiques les plus fréquents et expliquer pourquoi il est crucial de les détecter tôt ? 

 

Les cancers gynécologiques touchent les organes génitaux féminins. Le plus fréquent est le cancer du sein. Pour les cancers de l’appareil reproducteur, on distingue les cancers qui touchent les annexes ; c’est-à-dire les ovaires et les trompes ; des cancers de l’utérus qui comprennent le corps de l’utérus (l’endomètre et plus rarement le myomètre) et le col de l’utérus. Plus rarement, les cancers gynécologiques peuvent toucher la vulve et le vagin. 

Plus un cancer gynécologique est découvert tôt, moins ses traitements seront invasifs. C’est tout l’intérêt du dépistage des cancers. Deux cancers gynécologiques bénéficient d’un dépistage organisé : le cancer du sein et le cancer du col de l’utérus. En dehors de population à risque spécifique, le cancer du sein est basé sur la réalisation de mammographie et échographie mammaire tous les deux ans de l’âge de 50 à 74 ans. Ce dépistage permet de diagnostiquer des lésions au niveau du sein qui pour certaines ne sont pas palpables à l’examen clinique. Ainsi ces examens peuvent permettre de découvrir des lésions précancéreuses ou des cancers de petite taille pour lesquels la guérison sera obtenue au prix de traitements généralement peu invasifs avec une conservation du sein. Le cancer du col de l’utérus bénéficie lui aussi d’un dépistage organisé à partir de l’âge de 25 ans. Il est basé sur un prélèvement cervico utérin qui permet de réaliser un frottis ou un test à la recherche du papillomavirus, responsable des cancers du col, selon l’âge de la femme. Ce dépistage permet surtout de retrouver des lésions précancéreuses et d’agir avant que les patientes ne développent un véritable cancer, dans le but d’une conservation de l’utérus pour ne pas altérer les possibilités de grossesse ultérieures. 

 

Comment peut-on encourager les femmes à prendre en charge leur santé gynécologique de manière proactive ? 

 

La santé gynécologique de la femme est un enjeu de santé publique. Le cancer du sein atteint plus de 60 000 patientes par en France et touchera une patiente sur 8 au cours de sa vie. Si les avancées des traitements des cancers sont majeures, il convient de réaliser son suivi gynécologique de manière annuelle que ce soit par un gynécologue, un médecin généraliste ou une Sage-Femme. En plus du dépistage organisé du cancer du sein et du cancer du col utérin, ces examens de suivi permettent de s’assurer au niveau individuel de la normalité de l’examen des seins et de la filière génitale par un examen au spéculum et une palpation du petit bassin.  

Outre ces examens de suivi et de dépistage, les femmes doivent consulter si elles remarquent une anomalie. Il est recommandé de réaliser une autopalpation des seins par les femmes elle-même et au moindre doute de consulter sans attendre si elles retrouvent une grosseur, un écoulement anormal par le mamelon ou encore une anomalie de la peau. De la même manière, si les femmes constatent des saignements qui sont anormaux en dehors des règles, ou encore des saignements après la ménopause, ou bien des douleurs inhabituelles ou un inconfort en bas du ventre, il convient de consulter sans attendre. 

On peut aussi, désormais, s’informer sur les réseaux sociaux via les sociétés savantes qui développent des formats courts de vidéo sur certaines thématiques qui sont didactiques et présentent des informations fiables. Je pense particulièrement à « @lachainesantegyneco » sur Instagram qui a été développée par la Société de Chirurgie Gynécologique et Pelvienne. 

 

En tant que médecin, quel message souhaitez-vous transmettre aux femmes concernant leur rôle dans la lutte contre le cancer gynécologique ? 

 

Une des avancées majeures dans la prévention des cancers gynécologiques, outre le dépistage, est la vaccination contre le papillomavirus, virus sexuellement transmissible, dont le préservatif ne protège qu’insuffisamment, qui permet d’empêcher l’apparition des cancers du col utérin. Certains pays, dont l’Australie qui est en tête, ont débuté bien avant la France cette campagne de vaccination, qui en France s’adresse désormais aux élèves de 5e, ont vu disparaitre les cancers du col utérin.  

Vacciner ses enfants, filles et garçons, permet de les protéger contre les cancers dus au papillomavirus, et permet aussi de diminuer le risque de contamination des autres en brisant la chaine de transmission. Il faut en parler et essayer de convaincre ses amis pour leurs enfants qui peuvent parfois être dubitatifs sur l’intérêt de ses vaccins, alors que leur innocuité est largement reconnue. 

Les femmes peuvent avoir un rôle important dans la lutte contre les cancers gynécologiques : celui d’ambassadrices. Il est très important d’en parler à ses amies : Convaincre ses amies d’aller consulter en cas de problème gynécologique inhabituel ! Convaincre ses amies de bien réaliser leurs examens de dépistage organisé ! Convaincre ses amies de l’importance du suivi gynécologique ! 

 

Pouvez-vous nous parler des avancées récentes en matière de traitement des cancers gynécologiques ? 

 

Plusieurs avancées récentes ont bouleversé le traitement des cancers gynécologiques.  

Par exemple, pour la prise en charge des cancers du sein, on est désormais sur une médecine personnalisée. De nombreux marqueurs et analyses moléculaires et génétiques permettent de réaliser des prises en charge parfaitement personnalisées qui peuvent faire appel à de l’immunothérapie ou encore à des thérapies ciblées telles que les inhibiteurs de PARP. De la même manière, la prise en charge des cancers de l’endomètre a complètement évolué pour utiliser désormais une classification moléculaire pour déterminer si outre la chirurgie il y a besoin d’un traitement et le cas échéant lequel qui peut inclure de la radiothérapie, de la chimiothérapie ou encore de l’immunothérapie. De récentes études se sont aussi intéressées au cancer de l’ovaire. Son pronostic est amélioré désormais grâce à l’utilisation de thérapies ciblées mais aussi par la chimiothérapie hyperthermique intrapéritonéale dont l’indication s’est élargie dans la prise en charge chirurgicale des récidives que nous réalisons. 

Il ne faut pas oublier, non plus, les avancées chirurgicales qui vont être dans certains cas de moins en moins invasives. Les traitements chirurgicaux sont désormais de plus en plus précis avec par exemple le développement du prélèvement des ganglions sentinelles qui permet de ne plus retirer tous les ganglions du pelvis qui était source de complications postopératoires importantes. Cette technique tend à se développer grâce à l’utilisation de marqueurs spécifiques lors de l’intervention chirurgicale et grâce au développement de matériel chirurgical de pointe dans la prise en charge chirurgicale des cancers du col de l’utérus et de l’endomètre. De la même manière grâce à la chirurgie coelioscopique et de l’usage des robots chirurgicaux, de moins en moins de laparotomie (ouverture chirurgicale classique) sont réalisées au profit de laparoscopie (incisions centimétriques) qui permettent d’opérer à l’aide d’une caméra en faisant des petites incisions cutanées. Ce développement de la chirurgie mini invasive permet une récupération plus rapide et parfois la réalisation de ces chirurgies en ambulatoire (sortie le jour même). L’arrivée prochaine de robots chirurgicaux coelioscopiques permettant d’opérer par une incision unique (single port) devrait encore améliorer les suites opératoires. 

 

Pour conclure, quel message d’espoir aimeriez-vous adresser aux femmes aujourd’hui, en cette Journée mondiale de la lutte contre le cancer ? 

 

De nombreuses études s’intéressent désormais à la Santé des Femmes. Les avancées dans la lutte contre le cancer sont majeures et vont continuer grâce à tous les soignants et chercheurs passionnés pour améliorer le pronostic de ces maladies. L’éradication définitive du cancer du col de l’utérus est à notre portée grâce à la vaccination contre le papillomavirus ! 

N’ayez pas peur de consulter si vous avez un doute ou une angoisse. Vous trouverez toujours des soignants passionnés et dévoués à votre Santé !